Deux avocats avec deux missions différentes au sein d'une organisation à but non lucratif
Nous nous sommes entretenus avec Dimitri Laes et Ine Van Seghbroeck, deux avocats expérimentés passionnés par le bénévolat au sein de l'organisation à but non lucratif De Rode Antraciet. Dimitri est avocat dans la région de Louvain depuis 21 ans, tandis qu'Ine est avocate au barreau de Gand depuis 20 ans. Tous deux se consacrent de manière totalement différente à la même organisation, l'asbl De Rode Antraciet. Dimitri fait visiter le tribunal de Louvain aux citoyens pour leur expliquer la procédure judiciaire, tandis qu'Ine donne des cours de respiration aux prisonniers. Découvrons leurs histoires fascinantes.
Que fait l'organisation à but non lucratif L'Anthracite Rouge?
M. Laes : L'Asbl L'Anthracite Rouge a plusieurs missions. D'une part, elle recherche des personnes ou des organisations qui peuvent proposer des activités sportives et culturelles et des programmes éducatifs dans les prisons. D'autre part, l'asbl veut construire un pont entre la société à l'extérieur des murs de la prison et les personnes à l'intérieur des prisons.
M. Van Segbroeck: Je suis l'un des bénévoles qui donnent des cours de sport à la prison d'Audenarde. Plus précisément, je donne des cours de respiration, semblables à ceux que je donne à l'extérieur de la prison.
M. Laes: L'asbl a également mis en place une initiative appelée Kaffee Detinee, dans le cadre de laquelle des personnes extérieures à la prison sont mises en contact avec des détenus, leurs familles et le personnel pénitentiaire. En 2018, L'Anthracite Rouge a voulu étendre ce projet pour expliquer la phase de pré-détention, en mettant l'accent sur l'enquête judiciaire et le procès. Ils m'ont demandé, en tant qu'avocate, d'informer les gens à ce sujet, et j'étais partante.
Comment avez-vous pris contact avec l'organisation à but non lucratif ?
M. Van Seghbroeck : Mon contact avec l'asbl s'est fait dans le cadre de mon activité d'avocat. J'ai réalisé que les techniques de respiration pouvaient être utiles aux détenus, compte tenu de la surpopulation et du manque de ressources pour la réinsertion dans les prisons. Les techniques respiratoires sont peu coûteuses, toujours disponibles et peuvent aider à gérer les situations de stress et les agressions. En 2021, j'ai soulevé la question auprès du directeur de la prison d'Audenarde, mais la pandémie a empêché le démarrage des cours. J'ai continué à insister et, cet été, il m'a mis en contact avec le responsable des sports de l'asbl De Rode Antraciet. Dans le cadre d'un projet pilote, j'ai déjà été autorisé à donner deux cours de respiration, et la réaction des détenus a été positive. En collaboration avec l'asbl De Rode Antraciet, je vais maintenant poursuivre le développement de ces cours.
Comment se sont déroulés les cours ?
M. Van Seghbroeck : En prison, l'accent est mis sur la façon dont les gens peuvent se calmer dans des situations stressantes.
Lors de la première leçon, je donne toujours une explication scientifique très simple, un peu d'anatomie sur notre respiration, combinée à des exercices simples. Avec certaines techniques de respiration, les résultats sont vraiment immédiats, ce qui permet d'attirer immédiatement l'attention de tout le monde.
Il y a eu deux sessions avec huit prisonniers chacune. Comme à l'extérieur de la prison, j'ai délibérément choisi un petit groupe afin de pouvoir accorder une attention individuelle. En effet, il est très important que quelqu'un observe exactement comment vous respirez et puisse vous donner des conseils personnalisés.
Donnez-vous vos cours de respiration à l'intérieur de la prison de la même manière qu'à l'extérieur ?
M. Van Seghbroeck : En fait, oui. Dans le cadre du breath coaching, j'essaie toujours de donner un feedback très personnel. Il y a cependant une différence : en prison, je n'ai pas révélé que j'étais avocat. Je ne pensais pas que c'était nécessaire, au contraire. Ces personnes ont déjà leur propre avocat, et je voulais éviter que l'on me pose des questions juridiques sur leur cas. En outre, il ne s'agit pas de moi, mais de l'histoire des prisonniers et de ce que je peux faire pour les aider.
Les prisonniers étaient-ils ouverts à vos leçons de respiration ?
M. Van Seghbroeck : Certainement. Les prisonniers qui ont suivi mes cours s'y étaient inscrits volontairement, ce qui montre qu'ils étaient intéressés. Mais ils posaient aussi des questions très précises, et avaient manifestement déjà des connaissances préalables. Ils avaient vraiment envie d'en savoir plus. D'ailleurs, c'était un public très respectueux et reconnaissant.
M. Laes sur son travail pour l'association sans but lucratif
M. Laes : Mon intention était de faire plus qu'une simple visite du tribunal. Je ne le fais pas seul, j'associe à cette initiative une personne de l'accueil des victimes et un juge d'instruction. De cette manière, nous expliquons non seulement ce que fait un avocat, mais aussi exactement ce que font les magistrats et comment les victimes sont soutenues.
Nous commençons toujours par la salle d'assises, où je laisse les participants choisir librement parmi les chaises des avocats, des jurés, des parties civiles et des accusés. À ce moment-là, ils ne savent pas qu'ils vont jouer un rôle.
J'apporte toujours des toges et je les donne aux personnes assises sur les sièges des avocats. J'aime les laisser enfiler la robe eux-mêmes, et le fait qu'ils tâtonnent avec les boutons de la robe blanche provoque toujours l'hilarité et brise immédiatement la glace.
Je souligne également le rôle de l'avocat et j'essaie de l'impliquer le plus possible en lui demandant quelle attitude il adopte dans certaines situations concrètes. J'essaie ainsi de faire réfléchir au travail de l'avocat.
Ceux qui sont sur le banc des accusés deviennent tout à coup les accusés, et quelqu'un d'autre est membre du jury. Nous nous lançons alors dans un jeu de rôle où chacun se sent concerné par son rôle.
Je ne demande pas d'approuver ou de désapprouver les actes des auteurs, je demande seulement de l'empathie. Ma mission est couronnée de succès lorsque je constate que les gens acquièrent une perspective plus nuancée sur ce que signifie réellement la justice.
Ensuite, nous nous rendons au sous-sol, où se trouve le complexe cellulaire. Ces cellules sont étroites, entièrement en béton, avec des portes en verre et des barreaux. C'est à ce moment-là, lorsque j'explique comment soutenir émotionnellement votre client dans une telle cellule après un procès d'assises difficile, que le silence s'installe.
Le fait que vous soyez juriste apporte-t-il une valeur ajoutée à l'organisation à but non lucratif ?
M. Van Seghbroeck : Je pense que oui. Je comprends que la profession d'avocat ne vienne pas immédiatement à l'esprit des gens lorsqu'ils pensent au conseil. Pourtant, je considère les avocats comme des travailleurs sociaux spécialisés.
Je suis devenue avocate avec l'intention d'aider les gens, et cela reste ma principale motivation.
Qu'apprenez-vous dans votre travail bénévole qui soit important pour vous en tant que juriste ?
M. Van Seghbroeck : Dans mon travail bénévole, je prends le temps d'écouter les gens calmement, et je trouve que cela permet souvent d'accélérer le traitement de l'affaire. Dans mes consultations en tant qu'avocat, j'adopte cette approche, une attitude patiente et ouverte et je donne aux gens l'espace nécessaire pour dire ce qui les préoccupe.
M. Laes : Dans ma pratique, je m'engage toujours avec mes clients. Un délinquant ne comprend pas toujours une victime, et vice versa, c'est souvent encore plus difficile. Alors je dis parfois : "Mettez-vous à la place du juge, que pense-t-il de votre version des faits ?" J'essaie donc de favoriser chez mes clients une certaine compréhension de l'autre partie. Si je parviens à introduire un peu plus de nuances, je suis déjà content.