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27/03/23
Sofie Demeyer

Les avocats peuvent-ils encore défendre correctement leurs clients ?

Advocaat.be trouve inquiétant que la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mars 2023, se soit engagée dans la voie d'une restriction très drastique du temps de plaidoirie de l'avocat. Concrètement, la Cour a décidé, dans une affaire portant sur la prolongation ou non de la détention préventive, que la chambre d'accusation pouvait convoquer l'avocat du détenu pour compléter sa plaidoirie après seulement 10 minutes.

Dans un État de droit, les droits de la défense sont essentiels. Et la justice doit avoir un visage humain. C'est certainement le cas lorsqu'il s'agit de la liberté d'une personne. Placer quelqu'un en garde à vue est l'une des choses les plus drastiques qui puissent arriver dans une vie humaine. Enoncer un tel cas, ou même en donner l'impression, n'est pas l'image que la justice doit donner d'elle-même.
- Sofie Demeyer, porte-parole

Advocaat.be est conscient que chaque affaire doit être jugée en fonction de ses propres mérites et besoins : toutes les affaires ne sont pas complexes ou ne nécessitent pas une plaidoirie approfondie. Et qu'il faut trouver un juste équilibre entre les nécessités du service au sein des tribunaux et le temps de plaidoirie alloué qui doit être suffisant pour présenter une défense sérieuse et complète.

In der Beschränkung zeigt sich erst der Meister, disait Goethe. C'est un art d'être concis et de ne pas se perdre dans les détails. Advocaat.be reconnaît que les avocats doivent s'y former. Mais cela ne change rien au fait qu'un temps de plaidoirie de 10 minutes semble alarmant pour débattre de la liberté d'une personne, surtout si l'avocat avait beaucoup plus à dire pour défendre son client : le détenu doit s'attendre à être écouté aussi bien que son avocat.

Advocaat.be croit savoir que l'incident s'est produit non pas devant une "juridiction de jugement", où le juge rend une décision finale sur le fond, mais devant une "juridiction d'instruction". Mais même dans ce cas, il convient d'être extrêmement prudent. En outre, on peut espérer que la Cour suprême n'étendra pas cette nouvelle jurisprudence aux juridictions de jugement.

Il s'agit à mon sens d'une évolution particulièrement défavorable, voire alarmante. La voie dans laquelle le pouvoir judiciaire s'est engagé n'est pas celle que nous, en tant que profession juridique, souhaitons pour nos clients.
- Erik Schellingen, directeur d'Advocaat.be et avocat lui-même